De Mostar, pour aller en Croatie, on a deux solutions. Soit on repart en direction de Sarajevo et on atteint Zagreb via Banja Luka, soit on pousse jusqu’au bout de la ligne Sarajevo–Mostar–Ploče, une ville croate située sur la côte adriatique, entre Split et Dubrovnik. Le « problème », c’est qu’une fois à Ploče, on est obligé de prendre un bus, puisque les lignes de train croates sont peu nombreuses et que c’est un terminus. Néanmoins, vous aurez remarqué que jusqu’ici, j’ai pris soin de ne presque jamais repasser deux fois au même endroit. J’ai donc bien évidemment choisi la deuxième possibilité.
Nous voici donc à Mostar, en ce 27 août 2011, jour de la Sainte Monique. Pour repartir, je dois à nouveau prendre le train qui m’a amené. Rappelez-vous, c’est le train qui part avec une heure de retard et qui roule à 10 à l’heure ! Sachez donc qu’officiellement, le train est annoncé à Mostar à 9h29. Bon, dans les faits, on sait comment ça se passe. D’ailleurs, la veille de mon départ, la dame qui m’hébergeait m’a dit : « Oh, le train ? Pas avant 10h. »
Bon, malgré tout, la peur de rater un train qui ne m’aura jamais vraiment quittée pendant ce voyage est toujours là, et j’arrive à la gare sur les coups de 9h45. Pas vraiment en avance, d’ailleurs, il y a déjà un couple de Suisses originaires de Montreux qui attendent. Comme moi, ils n’ont pas pu se résoudre à arriver en retard à la gare, et sont donc arrivés tout naturellement à 9h20. Les pauvres. Car ici commence l’attente. LA VRAIE.
Après une grosse demi-heure, on sait que c’est « normal », le train est toujours en retard comme ça. On prie néanmoins pour que ça ne fasse pas comme la veille. Leur aubergiste les a en effet informés que le matin précédant, le train n’était arrivé à Mostar qu’à 12h45 !
On s’occupe comme on peut, on va acheter des cafés au bar voisin, on essaie d’imaginer les conversations entre les ouvriers des chemins de fer bosniaques qui réparent une vieille loco sur le quai. Le Suisse a même la bonne idée d’acheter un journal local… en bosniaque. On passe quelques dizaines de minutes à essayer de déchiffrer la Une et puis on abandonne, se rabattant sur la météo et le Sudoku. 🙂
Image by M.Orellana via Flickr
Et puis, vient un premier moment dur. L’horloge indique 11h30. Je réalise alors que, dans un monde idéal, le train entrerait dans la gare de Ploče. Je ferme les yeux et pendant quelques secondes je m’imagine au bord de la mer, sur les galets, les pieds dans l’eau turquoise… avant de brusquement revenir à la gare moche de Mostar :-(. Mais une lueur d’espoir commence à poindre : onze heures et demies sont marquées par l’arrivée d’une grosse dizaine de voyageurs supplémentaires sur le quai ; des habitués, évidemment. Qui d’autre aurait l’idée de venir prendre un train deux heures après le départ prévu…
Sur ce, on se décide à aller demander au chef de gare une estimation de l’heure d’arrivée, même si on nous avais prévenu qu’ils n’avaient aucune information sur la position du train. Le chef nous annonce dix minutes supplémentaires d’attente. Ces dix minutes seront en réalité trente.
À midi moins cinq, on y croit : au loin, un bruit de loco. Persuadé qu’il s’agit d’une illusion, je m’approche des rails et regarde la voie. Quelques secondes plus tard, le doute est levé, on aperçoit enfin le train, qui rentre tranquillement dans la gare.
Image by Blue Moon 505 via Flickr
Et c’est parti pour deux petites heures le long de la rivière. À la frontière croate, heureusement, les douaniers semblent moins zélés que lors de mon arrivée depuis la Hongrie. Quelques minutes pour tamponner les passeports, et nous voilà en Croatie, puis à Ploče, le terminus du train.
Ici, j’avais prévu de poser mon sac à la consigne de la gare, et d’aller chercher une petite plage pour me baigner le midi. Mais voyant l’heure avancée, je décide de prendre le premier bus pour Split, à 2h30 de route au Nord, tandis que mes compagnons de galère helvètes prennent la direction opposée, vers Dubrovnik.
Le quai de la petite gare de Split (via Wikipedia)
J’arrive donc à Split vers 17h, et là c’est le choc. S’il y a bien un truc qui cartonne en Croatie, c’est l’hébergement. L’été, à peu près 75 % de la population (estimation personnelle) se reconvertit en loueur d’appartement. Parfois, les gens vont jusqu’à louer leur propre appart’ en ville et vont habiter à la campagne pendant 5 mois, c’est dire à quel point c’est intéressant. Du coup, la route côtière de Split à Dubrovnik ressemble à une agence de location à ciel ouvert. Tous les vingt mètres environs, on peut voir un bonhomme assis sous un parasol avec devant lui un panneau « Sobe / Rooms / Zimmer / Camere ». Parfois, on a même le droit à « Chambre » en français, les touristes de l’hexagone étant de plus en plus nombreux à venir ici, les gens s’adaptent. Arrivé à Split, le manège reprend de plus belle, cette fois, ce sont de piétons qui vous abordent. En sortant du pôle multimodal que constituent les gares ferroviaires, routières et maritimes, il est tout bonnement IMPOSSIBLE de faire plus de trois pas sans être assailli par un « Accomodation, maybe ? ». Du coup, je me dépêche de quitter le quartier, et vais prendre possession de mon auberge. En toute logique, l’« hostel » qui m’héberge est en réalité un regroupement de plusieurs loueurs de chambres. Je me retrouve donc dans un grand appart’, dont le propriétaire réserve à l’année deux pièces pour en faire des dortoirs. Rien d’exceptionnel dans la chambre, pas de cuisine, pas d’internet, pas de salle commune et la salle de bain sur le palier. Le strict minimum, donc, ce qui n’empêche pas l’aubergiste de facturer près de 25€ la nuitée, en espèces, évidemment. Pour le même prix, en Slovaquie, j’avais deux nuits dans une « vraie » auberge. Mais bref, c’est le prix à payer pour pouvoir apprécier la ville de Split, non ?
Tiens, justement parlons de la ville. On pourrait croire, naïvement que si les tarifs sont si élevés c’est à cause du vieux centre et des ruines du palais de Dioclétien, classées au patrimoine mondiale de l’UNESCO. Ou encore, à cause du superbe et gigantesque parc de la colline Marjan à l’ouest de la ville qui vient se jeter dans la mer. Mais non, rien de tout ça. L’attrait n°1 à Split, c’est LA plage. J’utilise volontairement le singulier, car même si sur le littoral, il y a presque autant de plages que de loueurs d’appartements, les milliers de touristes qui passent leurs vacances à Split semblent tous aller à la même plage, celle du centre. Quand j’ai demandé à mon hôte où se trouvait une plage sympa, il m’a direct montrée celle-ci sur la carte : « This is the best ! All you need is there, pub , clubs, restaurants, it’s perfect ! ». Là, je sens le coup foireux et je risque un « and, there’s not too much people ? » auquel il répond : « oh yes, thousands of people ! ».
La plage de Bačvice (Image via Wikipedia)
Dès lors, je réalise qu’on a pas vraiment la même idée d’une « plage sympa », et je le remercie en me disant que je trouverais ma plage tout seul. Et comme il est bientôt 18h, j’attrape ma serviette et prend la direction du parc. Je me dis que si je marche un peu, je vais trouver un coin sympa. Finalement, comme je sais pas trop où je vais-je marche une heure avant de trouver un endroit qui est en fait à 30 minutes de l’hostel. Certes, c’est accessible par la route et il y a une plage surveillée, mais juste à côté, derrière les rochers on trouve une petite anse avec seulement quelques dizaines de personnes. C’est sublime. L’eau est transparente, on peut même plonger depuis les rochers. Et une fois dans l’eau, c’est le bonheur. OK, ça manque un peu de vagues pour être aussi agréable que l’océan, mais quand on a pas le choix, la mer est bienvenue. 🙂
La plage sympa, loin du centre de Split
Du coup, je patauge pendant presque une heure, et je rentre à l’hostel à la nuit tombée.
Le palais de Dioclétien (image via Wikipedia)
Le lendemain, avant d’aller prendre mon train pour Zagreb, je décide de donner une chance à la ville malgré ma mauvaise impression de la veille. Je vais donc dans le palais de Dioclétien. Je connais pas ce type, mais s’il vivait encore à ce siècle, Dioclétien serait un marchand de gadgets à touristes. Car aujourd’hui, même si son palais est classé, il sert principalement d’abri à d’innombrables échoppes d’attrape-touriste, de restaurants et de bars hors de prix et de quelques galeries d’art.
C’est moche, ça défigure complètement le palais et ça m’a tellement énervé qu’au final, j’y ai passé qu’une grosse demi-heure avant de retourner chercher mon sac à l’auberge et filer à la gare.
Les InterCity croates sont modernes
Pour aller à Zagreb, la solution la plus rapide en train est de prendre un InterCity. Contrairement à la plupart des pays participant à InterRail, la Croatie exige que tous les passagers de ses trains « express » aient une réservation. Du coup, pour la première fois depuis que j’ai passé la frontière franco-allemande au début du mois, je dois payer pour prendre le train. Passage obligé en caisse, donc, mais pas de quoi s’offusquer, puisque les frais de réservation s’élèvent à 7 kuna (soit un peu moins d’1€). L’avantage, c’est que les InterCity croates, contrairement à leur réseau ferré, sont modernes. Ils ressemblent un peu aux ICE allemands, que ce soit de l’extérieur comme en ce qui concerne le confort à l’intérieur des rames. Bon, pour ce qui est de la vitesse de croisière, on est loin de l’Allemagne. Comme je disais, le réseau ferré croate n’est pas très développé ni en bon état, et donc, les trains y roulent lentement. Par contre, niveau service, on veut bien faire. Même en 2e classe, on propose aux passagers une collation, à savoir un café au lait soluble dégueulasse. L’intention est louable, mais j’ai du mal à y voir une justification de l’euro dépensé pour accéder au train.
Finalement, quelques heures plus tard, me voici à Zagreb.
À suivre…
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